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La réforme de la prescription civile et ses conséquences en droit des assurances

La réforme de la prescription en matière civile a été opérée par la loi du 17 juin 2008, publiée le 19 juin 2008.

Son apport principal a trait à la durée de la prescription de droit commun qui est passée de 30 ans à 5 ans.

Cette modification ne touche pas la prescription biennale, prévue par l’article L 114-1 du Code des Assurances* relative à toutes les actions qui dérivent d’un contrat des assurances.

La loi du 17 juin 2008 modifie le délai de prescription de droit commun et ne touche pas aux délais spécifiques.

Ainsi, les délais spéciaux qui existaient avant (en matière de droit de la construction, de vices cachés…) sont maintenus.

POINT DE DEPART DU DELAI DE PRESCRIPTION

L’article 2224 Nouveau du Code Civil prévoit que :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Le point de départ du délai de prescription court donc à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance des faits.

Le défendeur à l’action pourra solliciter que le point de départ du délai de prescription soit avancé au jour où le titulaire du droit aurait dû connaître les faits qui l’auraient conduit à agir.

Un nouveau contentieux risque de surgir sur ce point.

Toutefois, il ne semble pas que la volonté du législateur ait été de modifier la jurisprudence établie antérieurement.

La Cour de Cassation a toujours admis que la prescription ne courait pas contre celui qui se trouvait dans l’impossibilité d’agir.

Ainsi, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt récent du 26 avril 2006, a indiqué :

« Que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ».

D’ailleurs, l’article 2234 nouveau du Code Civil a légalisé ce principe jurisprudentiel en indiquant que « la prescription ne court pas ou est suspendu contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement, résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».

DES DELAIS SPECIAUX ONT ETE INSTAURES PAR LA LOI

L’un d’entre eux concerne tout particulièrement les assureurs puisqu’il s’applique aux actions en responsabilité délictuelle pour dommages corporels : pour ces actions, une prescription unique de 10 ans s’applique.

Ainsi, il n’y a plus à distinguer entre la responsabilité contractuelle qui, auparavant, se prescrivait par 30 ans et la responsabilité délictuelle qui se prescrivait par 10 ans.

Aujourd’hui, dès lors qu’il y a un dommage corporel, la prescription est de 10 ans. En l’absence de dommage corporel, la prescription est de droit commun, soit de 5 ans.

LES PLAFONDS DE PRESCRIPTION

La loi a prévu des plafonds de prescription afin que le défendeur ne soit pas exposé, sans limite de durée, à un risque d’action.

Le nouvel article 2232 du Code Civil instaure un délai butoir puisqu’il prévoit que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit ».

Toutefois, ce plafond de prescription ne s’applique pas, notamment, aux actions en responsabilité ayant pour finalité la réparation d’un préjudice corporel.

Par ailleurs, les actions en responsabilité intentées contre des professionnels de santé du secteur public, comme du secteur privé, ne sont pas non plus concernées par ce délai butoir.

D’autre part, l’alinéa 2 de cet article 2232 prévoit que ce délai butoir ne s’applique pas lorsque le report du cours du délai de prescription a pour cause, le caractère conditionnel de l’obligation, la survenance du terme extinctif et, surtout en ce qui vous concerne, l’existence d’un recours pour les appels en garantie.

REGLES REGISSANT L’ENTREE EN VIGUEUR DE CETTE LOI

Cette loi réformant la prescription civile connait une dualité de régime quant à son entrée en vigueur.

Si elle a pour effet d’allonger la durée d’une prescription, l’article 2222 du Code Civil prévoit qu’elle est sans effet sur une prescription ou une forclusion déjà acquise.

En revanche, lorsque le délai n’est pas expiré à la date de son entrée en vigueur, il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

Si la loi réduit la durée de la prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (soit le 19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, par exemple, un agent général d’assurance dont la lettre de mission se trouve être résiliée en mai 2004 avait, en vertu de la loi ancienne, 30 ans pour agir, soit jusqu’en mai 2034.

Avec la réforme de la prescription civile, il ne dispose plus que de 5 ans.

Le délai étant réduit, l’article 2222 du Code Civil prévoit qu’il court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (soit à compter du 19 juin 2008).

En conséquence, l’agent général d’assurance pourra donc agir jusqu’au 19 juin 2013.

INTERRUPTION – SUSPENSION DU DELAI DE PRESCRIPTION

Le cours du délai de prescription peut être affecté par deux événements majeurs : la suspension et l’interruption.

[bleuAV]La suspension[/bleuAV] a pour effet d’arrêter temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru (article 2230 nouveau du Code Civil).

En revanche, [bleuAV]l’interruption[/bleuAV] efface le délai de prescription acquis.

Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (article 2231 nouveau du Code Civil).

Les définitions n’ont pas varié. Elles sont simplement consacrées par la loi.

[bleuAV]Mesure d’instruction in futurum et effet sur la prescription[/bleuAV]

L’article 2239 du Code Civil* a prévu que la prescription était suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Ainsi, lorsqu’un assuré formule une demande d’expertise in futurum, et que celle-ci lui est accordée, le cours de la prescription est suspendu.

L’alinéa 2 de l’article 2239 du Code Civil* prévoit la durée de cette suspension :

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée."

Dorénavant, lorsqu’une demande d’instruction est formulée, la décision du Juge qui y fait droit a pour effet de suspendre le cours du délai jusqu’au dépôt du rapport, date à laquelle le délai recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois.

Il s’agit d’une réforme d’importance par rapport à la situation antérieure puisque, jusqu’alors, la réalisation d’une expertise ne suspendait pas le cours de la prescription.

[bleuAV]Assignation : mode classique d’interruption de la prescription[/bleuAV]

Le délai de prescription, comme sous le bénéfice de la loi ancienne, est interrompu par toute assignation en justice.

Pour mémoire, il est possible d’aménager conventionnellement la prescription, que ce soit quant à sa durée ou quant aux causes d’interruption ou de prescription.

Toutefois, cet accord de volonté n’est pas valable entre les parties à un contrat d’assurance qui, en application de l’article L 114-3 nouveau du Code des Assurances* « Ne peuvent, même d’un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celles-ci ».

Il s’agit de protéger l’assuré, réputé partie faible.

Catherine POUZOL